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l'esbroufe
7 juin 2020

Constat

La pandémie avait cloué les avions au sol et l'on commençait à prêter à la nature des intentions et une conscience face auxquelles l'homme était le maillon faible. L'humanité était malade ou candidate à le devenir. Gorge, poumons, système respiratoire, mais aussi tube digestif, intestins. Les entrailles des uns semaient une sourde panique dans la tête des autres. 

Malade, l'humanité l'était aussi d'ignorer comment sauver ce qui pouvait l'être et se prémunir des lames de fond que promettaient les estimations les plus optimistes. Peu à peu, à force de ne plus savoir à quel saint se vouer, et pour ne pas rester les bras ballants en attendant que passe l'orage dont la réalité sémantique élèverait bien assez tôt au rang de tsunami, les gouvernements avaient fini par ériger la communauté scientifique mondiale en oracle. Désormais, à mesure que chaque pays avançait ses pions sur l'échiquier de la prise de décisions, toutes plus discutables les unes que les autres, la caution scientifique appliquait à chaque citoyen la petite noisette de vaseline indispensable à sa résignation grandissante. Résignation qui mènerait, à grand renfort de termes choisis lors des prises de parole de tous les dirigeants que comptait ce monde - monde que naïvement nous pensions nôtre - à l'avilissement le plus radical, mais au silence également, ce même silence qui précède la mort quand il n'en est pas l'annonciateur. 

Dans l'espace aérien, plus un trait de fumée blanche pour balafrer le ciel, plus un cargo chargé jusqu'à la gueule et plus un bateau, véritable building flottant à l'horizontale, de croisière pour sillonner les océans et les mers. Sur terre, les véhicules roulant du bitume et du rail étaient relégués à l'inutilité dont ils devenaient un des symboles. Et bien qu'un excès d'anthropomorphisme en des mots mal choisis eût nui au constat qu'il fallait pourtant bien faire, la nature soufflait.

Il aura suffi d'une petite affection, pas plus meurtrière en nombre qu'un crash automobile ou qu'une addiction tabagique, tant s'en faut, pour que l'homme, dans son inactivité par décrets ministériels imposée, se voie mettre au ban du monde dont il se croyait maître. Quelle ironie, quand on y pense. Tous ces siècles consacrés à son déploiement en des conquêtes abjectes, que seuls l'appât du gain et la soif de sang auront toujours motivées, pour en arriver là. L'homme, dont la présence disséminée sur toute la surface de la planète demeurait l'évident stigmate de sa sinistre appropriation, avait brutalement réduit son territoire à quatre murs et un toit et pendant tout ce temps, la nature soufflait.

Pas le moindre message, pourtant. Pas le plus insignifiant indice porté au regard de l'humanité captive de sa peur. Pas le moindre début d'un dialogue, pas de signe. La nature, qui n'a jamais rien revendiqué en réaction à toutes les annexions successives auxquelles elle s'est pliée, reprenait sa place en occupant, sans précipitation, sans tambour ni trompette, l'espace devenu vacant. 

Humblement? Même pas. 

 

 

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