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l'esbroufe
28 mai 2020

Témoin de tout et décideur de rien.

La petite route, dont l'enrobé grossier et granuleux serpente au milieu des prés, se borde d'une dentelle hirsute. À mesure qu'il progresse, les haies forment une enceinte tantôt clairsemée tantôt infranchissable d'où émergent à intervalles irréguliers ici un chêne tentaculaire, là un cerisier sauvage. Le printemps bien entamé ajoute à la densité colorée, qui s'offre à ses yeux partout où il les pose, les senteurs enivrantes d'une flore à pied d'œuvre. De tous côtés, le bourdonnement des insectes butineurs en fond sonore et autour de lui, les anarchiques couloirs aériens d'une faune hyperactive et désordonnée, en apparence. Papillons, mouches, bourdons et abeilles, passereaux. Et ce joyeux bordel, que la brise tiède stimule plus qu'elle ne dérange, ce spectacle d'une morne banalité pour qui le traverse à l'abri hermétique et climatisé d'un véhicule à moteur, lui, c'est à pied qu'il s'y plonge, d'un pas léger, mais décidé, véloce, mais flâneur. 

Toute cette gamme de verts, qui peut aller du fluo au bouteille, emplit son être jusqu'à la satiété et relègue sa condition d'homme bien plus au rôle de celui qui assiste que de celui qui de quoi que ce soit aurait la maîtrise. Il n'est rien qu'il puisse faire ici pour changer le plus petit détail et améliorer à sa convenance l'ordre établi qui règne. Rien qu'il soit en mesure de revendiquer ou d'annexer. Témoin de tout et décideur de rien, sa place de marcheur matinal, il ne l'échangerait contre aucune autre. 

Évoluant au gré des remous topographiques, la sensation d'être submergé par le décor succède à celle de dominer l'horizon, mais jamais il n'a le sentiment de préférer aux creux les bosses. Dévaler pour mieux gravir, gravir pour mieux dévaler, tel est le programme sans cesse répété, bien qu'échappant à toute routine, de ces instants.

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