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l'esbroufe
26 mars 2020

Ben quoi ?...

On est là, on vadrouille. On erre d’une zone pavillonnaire à une autre. On déambule entre les barres HLM au teint pisseux, aux fenêtres animées par les programmes télé du samedi soir. Lampadaires tantôt perchés au bout d’un col de cygne dont la grâce ferait presque tache, tantôt en forme de sucettes chupa géantes, sous acide, qui barbouillent nos visages de couleurs qui n’en sont pas. On se fait bien chier. Et il faut dire que l’alcool ingurgité quelques heures auparavant a tendance à déserter nos ciboulots déchus. On ne sait pas où on va, mais c’est comme si on y était déjà. Ça sent la fin de soirée pas décidée à filer au pieu. Ça sent l’envie de se finir en beauté et puis ça sent l’ennui qui se cherche des excuses.

Une impasse. Une bagnole blanche qui nous tourne le dos, une Renault. Une 4L, en fait. L’idée venait de germer mollement dans nos tronches médiocrement inspirées de piquer une bagnole. Une aventure comme une autre pour donner un but à l’absurde qui s’éternise. En plus, Duduche, il s’y connaît en fils à boutiquer sous le tableau de bord pour démarrer les moteurs. Y a qu’à voir son goût pour les vieilles caisses, celles sous le capot desquelles on passe à peu près autant de temps qu’au volant. Par plaisir. Par nécessité, aussi.

Alors quand on tombe sur ce bijou de l’industrie automobile dégénérée, on se dirige comme un seul homme dans sa direction. À nous cinq, on va bien réussir à l’ouvrir, cette porte. D’ailleurs, elle n’est même pas verrouillée. Faire notre petite affaire sous les volets du proprio qui dort quelque part à côté ? Pas question ! Et puis avec la grande gueule de Fafane, il y a fort à parier qu’on est repéré dans le quart d’heure qui arrive. Alors on décide de pousser l’engin jusque sous des cieux plus propices à la discrétion de notre entreprise.

À quatre, les mains sur le haillon, le cinquième aux commandes, on fait faire un tour à notre carrosse d’un soir, quittant gentiment l’impasse dans laquelle on se trouvait. Au sens propre comme au figuré. Rien de louche, en somme, si on croise des flics en balade. À cinq pour aller faire pisser la bête, ça ressemble à un scénario tout ce qu’il y a de plus présentable, en même temps que nos papiers. Heureusement, la 4L n’est pas connue pour son poids hors norme. C’est donc sans vraiment se casser le dos qu’on parvient à la mener derrière le vélodrome, le long du chemin qui dessert les jardins familiaux.

On y voit comme dans un truc où on ne voit rien, ici, et c’est tant mieux. Pas de risque d’attirer les regards. Duduche prend place le buste couché sur le siège conducteur, le cul et les jambes hors de l’habitacle, les mains dans les fils dont il faut trouver lequel est censé, au contact d’un autre, créer l’étincelle qui va nous sortir de notre cloaque urbain. Nous, en attendant, on part en déconnade, on fait passer le temps, inconscients que nous sommes du délit en bande organisée auquel on a pris part quelques centaines de mètres plus tôt. D’ailleurs, on commence vraiment à devenir bruyants, tandis que notre pote mécano s’échine à frotter le cuivre dénudé, en quête de la divine escarbille.

J’ignore le temps que ça a pris — chacun est venu donner son avis, y allant de son petit conseil pour que finisse par se produire ce qui devait se produire — mais elle a fini par démarrer, la belle. Un exploit en forme de début des emmerdes. Alors on prend place, deux devants, trois qui se tassent derrière, et comme seul Duduche possède le permis, c’est Phil qui s’installe au volant.

Ben quoi ?...

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